Présenté comme un symbole de la volonté nouvelle de promouvoir les compétences locales, le chantier de réhabilitation de l’Esplanade Georges Damas Aleka tarde à tenir ses promesses. Pourtant, l’État a intégralement réglé la facture, estimée à huit milliards de francs CFA, à l’entreprise gabonaise en charge du projet. Mais la livraison, elle, se fait toujours attendre.
Le choix d’Erichk Mauro, à la tête de la société AM&T Sarl, n’était pas anodin. En confiant ce marché stratégique à un entrepreneur 100 % gabonais, le Président de la Transition, de l’époque Brice Clotaire Oligui Nguema, entendait briser l’image d’un État préférant systématiquement les prestataires étrangers. Un geste fort, salué à l’époque comme un tournant dans la politique des marchés publics.

Mais cette décision, qui aurait pu renforcer la crédibilité des opérateurs nationaux, semble aujourd’hui fragilisée. Contrairement aux pratiques habituelles où les entreprises étrangères sont rémunérées progressivement, souvent à hauteur de 70 % avant la réception définitive, l’État a, cette fois, consenti un paiement presque intégral avant la livraison : 5,5 milliards versés initialement, suivis d’un complément supérieur à 2 milliards ces derniers mois. Ne restent en suspens que quelques centaines de millions, somme marginale au regard du budget global.

Pourtant, le chantier piétine. Des arrêts répétés, des retards qui s’accumulent, et une esplanade qui ne voit toujours pas le jour. Pendant ce temps, les entreprises étrangères poursuivent leurs projets, parfois même en dépit de retards de paiement, illustrant un contraste qui alimente la frustration.

Cette situation, si elle venait à se conclure par un échec, risquerait de ternir durablement la confiance des autorités envers les opérateurs économiques nationaux. Elle offrirait aussi un argument facile à ceux qui défendent encore l’exclusivité des entreprises étrangères dans la réalisation des grands travaux publics.

À la veille de la Fête nationale, et alors que l’esplanade devait servir de vitrine à l’engagement patriotique du gouvernement de transition, le chantier inachevé renvoie une image préoccupante. Le patriotisme économique ne saurait se contenter de slogans : il appelle à la rigueur, à l’engagement et à la responsabilité. Sans cela, c’est tout un modèle de confiance nationale qui risque de vaciller.

Dans l’attente d’un sursaut, certains appellent déjà à des mesures fermes, voire judiciaires, pour que l’exemplarité ne demeure pas un vœu pieux. Car au-delà des discours, c’est la capacité du Gabon à se construire par lui-même qui est mise à l’épreuve.