À quelques jours d’un scrutin présidentiel décisif, le duel entre Brice Clotaire Oligui Nguema et Alain-Claude Bilie-By-Nze polarise l’attention. L’un incarne une transformation enracinée dans les réalités locales, l’autre tente une opération de reconversion politique périlleuse. Analyse comparative de deux visions pour le Gabon.
À mesure que l’échéance du 12 avril approche, les projecteurs se braquent sur les deux figures les plus en vue de la campagne : Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la Transition, et Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre d’Ali Bongo, désormais candidat d’une « rupture » qui peine à convaincre. Derrière les slogans et les promesses, deux projets de société radicalement opposés. L’un, enraciné dans l’expérience de la gouvernance et porté par un leadership pragmatique. L’autre, en quête de légitimité, tente de faire oublier un passé encore trop proche pour être effacé.
Bilie-By-Nze, le funambule de la « rupture »
Alain-Claude Bilie-By-Nze avance masqué. Arborant un Contrat national de rupture et de redressement (CN2R) articulé autour de 12 mesures à mettre en œuvre en 100 jours, il tente de faire oublier son pedigree de baron du régime Bongo. Mais derrière les formules accrocheuses, son programme souffre d’incohérences majeures.
Son virage libéral annoncé reste flou, et l’ouverture vers les institutions financières internationales, loin de garantir la souveraineté, pourrait placer le Gabon sous la coupe d’un FMI souvent synonyme d’austérité. Quant à la suppression d’institutions comme le Sénat ou le Conseil économique, elle soulève des inquiétudes quant à la stabilité démocratique. L’approche sécuritaire, elle, flirte avec un discours anxiogène, axé sur l’expulsion des étrangers en situation irrégulière, au détriment d’une politique migratoire humaine et structurée.
Enfin, sa proposition de « minimum jeunesse » se révèle largement insuffisante dans un pays où la majorité des jeunes n’ont pas accès à l’université. Le tout, sans vision d’ensemble, ni véritable colonne vertébrale économique.
Oligui Nguema, la méthode du concret
À l’opposé, Brice Clotaire Oligui Nguema déroule un projet cohérent, structuré et inscrit dans la continuité des 19 mois de transition qu’il a dirigés. Ses 15 engagements prioritaires, rassemblés sous le slogan « Bâtissons l’édifice nouveau », affichent une volonté de transformation en profondeur, loin du marketing politique.
Plutôt que de brader la souveraineté économique, Oligui parie sur une stratégie de développement endogène : pôles agricoles régionaux, industrialisation locale, accès au crédit pour les agriculteurs, politique foncière ambitieuse avec le programme « Un Gabonais, Un Titre Foncier ». Sur le plan social, il propose des mesures inclusives, avec la création de centres de redressement pour les jeunes en rupture, l’implantation de lycées techniques agricoles et un programme culturel d’envergure, « Okoumé Talent ».
En matière d’infrastructures, la priorité est claire : garantir l’accès universel à l’eau potable et à l’électricité, deux urgences nationales. Là où ACBBN propose une privatisation déguisée de la gestion de l’eau, Oligui choisit la souveraineté des services publics essentiels.
Sur le volet gouvernance, Oligui préfère moderniser plutôt que démanteler. Digitalisation de l’administration, simplification des procédures, efficacité accrue sans bouleverser l’équilibre institutionnel.
Le choix du réel contre l’illusion
Ce qui distingue véritablement Oligui Nguema de son principal challenger, c’est sa maîtrise des réalités du pays. Là où Bilie-By-Nze parle de rupture en oubliant sa propre responsabilité dans le système qu’il prétend dénoncer, Oligui agit, avec méthode, sur les leviers structurels de transformation.
Son programme n’est pas une simple promesse électorale. Il est la continuité d’un chantier entamé depuis le 30 août 2023, jour où le Gabon a tourné la page d’un régime à bout de souffle. Il est aussi l’expression d’une vision à long terme, où chaque mesure s’inscrit dans une logique de souveraineté, de résilience et de développement durable.
Verdict
Dans cette élection où l’avenir du pays est en jeu, les Gabonais devront trancher entre un projet ancré dans le réel, porté par un homme qui a commencé à restaurer la République, et un discours de rupture fragile, porté par un homme qui fut longtemps le visage d’un pouvoir déconnecté.