C’est un témoignage aussi rare que retentissant. Dans un entretien exclusif accordé à la chaîne TV5 Monde, Brice Laccruche Alihanga, ancien Directeur de Cabinet du président déchu Ali Bongo Ondimba, est revenu sur les véritables motivations, selon lui, de son arrestation survenue en 2019. Loin d’un dossier de détournement de fonds ou de mauvaise gestion, l’ex-homme fort du régime évoque une opération d’élimination politique soigneusement déguisée en campagne de moralisation.
À l’origine de cette descente aux enfers : un refus, net et assumé, de s’aligner sur un projet de succession familiale au sommet de l’État. « J’ai dit non au prince qui voulait devenir roi », a déclaré Brice Laccruche Alihanga, révélant avoir été directement interpellé par Noureddin Bongo Valentin. Ce dernier, fils du chef de l’État d’alors, lui aurait tenu ces propos sans équivoque : « Mon grand-père a dirigé, mon père dirige, je dirigerai aussi. Es-tu avec moi ou contre moi ? » Une question à laquelle Brice Laccruche affirme avoir répondu par la négative, un acte qu’il considère comme le déclencheur de sa chute.
Ce témoignage bouleverse l’analyse jusque-là dominante autour de son arrestation. Loin d’être un simple rouage tombé en disgrâce pour des raisons judiciaires, l’ancien collaborateur se présente aujourd’hui comme la cible d’une machination politique, conçue pour neutraliser toute résistance au projet de transmission héréditaire du pouvoir. Il évoque un processus prémédité, minutieusement orchestré : « On voulait me faire taire. C’était une entreprise froide, planifiée, destinée à m’éliminer. »
En exposant ces faits, Brice Laccruche Alihanga met en lumière une guerre de l’ombre qui aurait opposé deux visions de l’avenir du pays : celle d’un pouvoir aux allures dynastiques qu’il qualifie sans sourciller de cartel, et celle d’un cadre politique refusant de cautionner une prise de contrôle familiale. À travers son récit, c’est tout un pan des dernières années du régime Bongo-Valentin qui refait surface, avec son lot de rivalités internes, d’alliances brisées, et de fidélités mises à l’épreuve.
Mais au-delà de la confession, c’est une révélation glaçante qui surgit. Brice Laccruche Alihanga affirme avec force que s’il a aujourd’hui la vie sauve, c’est uniquement grâce au Coup de la Libération du 30 août 2023, orchestré par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema. Il déclare sans détour qu’un fidèle lieutenant de Noureddin Bongo Valentin, Yann Ngoulou, lui aurait clairement lancé : « Je vais te coller 30 ans. Ta maison est à moi, et je porte déjà tes vêtements. » Des paroles qui, selon lui, résonnaient comme une sentence déjà prononcée, preuve que tout avait été planifié dans les moindres détails.
À l’heure où le Gabon cherche à tourner la page d’un système longtemps dominé par les logiques de clan, cette prise de parole s’apparente à une tentative de réhabilitation politique, mais aussi à un signal fort envoyé à l’opinion publique : les luttes de pouvoir n’ont pas toujours eu pour théâtre les urnes, mais parfois les couloirs feutrés du palais. Et dans cette guerre silencieuse, Brice Laccruche Alihanga se présente désormais comme l’un des premiers résistants à avoir dit non.